« Le travail de mémoire permet également de réhabiliter la victime. En effet, moi et plusieurs de mes camarades de gauche avec lesquels j’ai été jugé et emprisonné avons été accusés d’être des traîtres et des vendus, et donc le travail de mémoire permet de réhabiliter la vérité sur le fait que ces personnes défendaient, le moins qu’on puisse dire, leurs droits et leurs convictions », dixit Ahmed Karoud.
Pendant deux jours, les 23 et 24 février, se sont tenues les assises de la justice transitionnelle, avec la participation de plusieurs invités étrangers venus écouter et comprendre l’expérience tunisienne en la matière. Cela a été également pour eux l’occasion de partager différentes expériences. L’objectif de ces assises était essentiellement pour la partie tunisienne en tout cas, de clamer haut et fort que les militants des droits de l’homme et les victimes souhaitent voir le processus aller jusqu’à son terme.
En Tunisie, le processus piétine encore, malgré tout le travail qui a été effectué depuis le vote de la loi sur la justice transitionnelle. Intervenant dans l’un des panels organisés à l’occasion de ces assises, Adel Maizi, ancien président de la commission de la préservation de la mémoire au sein de l’Instance vérité et dignité (IVD), a réitéré l’importance du travail de mémoire dans le processus de la justice transitionnelle.
Le problème des archives
« Pour le législateur, la préservation de la mémoire est un devoir qui doit être fait par l’Etat et ses institutions, et ce, conformément à la loi sur la justice transitionnelle », a-t-il expliqué. Cependant, selon lui, l’Etat n’a pas été à la hauteur de ce devoir et n’a pas tenu ses engagements, du moins, jusqu’à la fin du mande de l’IVD. Pour lui, l’erreur a été de ne pas constituer de nouvelles institutions, dans le but de préserver la mémoire.
Adel Maizi a soulevé notamment la problématique des archives qu’a rencontrée l’IVD lors de son travail. Les documents d’archives, précieux pour comprendre ce qui s’est réellement passé pendant la période concernée par la justice transitionnelle, n’ont pas été exploités encore comme il le fallait.
Par ailleurs, l’IVD a recommandé la création d’un cadre juridique et institutionnel pour le travail de l’instance, vu qu’il s’agit d’une mine d’informations importantes qui pourraient aider à préserver la mémoire.
« Il est important que la société civile continue à travailler, notamment avec le nouveau parlement, pour continuer à appliquer la loi sur la justice transitionnelle, explique-t-il. Il est important aussi de faire appliquer l’article 70 de cette loi relatif à la création d’une commission chargée de la justice transitionnelle ».
A noter que les archives, après la fin du mandat de l’IVD, ont été confiées aux Archives nationales, tandis que les archives numériques sont consignées à la présidence du gouvernement. « Il y a cependant un flou total sur la gestion actuelle de ces archives, compte tenu de l’absence d’un cadre légal », précise l’ancien membre de l’instance.
La mémoire pour réhabiter la mémoire
Pour Ahmed Karoud, ancienne victime du régime en Tunisie, la préservation de la mémoire permet d’écrire l’histoire politique et sociale de manière plus objective et plus complète.
« Le travail de mémoire permet également de réhabiliter la victime, déclare Ahmed Karoud. En effet, moi et plusieurs de mes camarades de gauche avec lesquels j’ai été jugé et emprisonné avons été accusés d’être des traîtres et des vendus, et donc le travail de mémoire permet de réhabiliter la vérité sur le fait que ces personnes, défendaient, le moins qu’on puisse dire, leurs droits et leurs convictions ».
En outre, les intervenant qui se sont succédé pour évoquer cette question de la mémoire, s’accordent à dire que cette dernière permet de tirer les leçons du passé, pour que l’horreur ne se répète pas.